Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) publie chaque année les chiffres issus de son enquête annuelle auprès des écoles doctorales[1]. Ces décomptes donnent un aperçu de l’état des effectifs d’étudiants inscrits – et de premiers inscrits – en doctorat en France selon les disciplines. Dans sa note d’information d’avril 2025, Les effectifs du doctorats en 2023 : Interroger la baisse notable du nombre de doctorants en sciences humaines et sociales entre 2010 et 2023, l’alliance Athéna rapporte l’évolution de ces décomptes entre 2010 et 2023, pour les sciences humaines et sociales et pour les autres secteurs scientifiques, et interroge la baisse particulièrement marquée des effectifs de SHS.
Nombre de doctorants en 2023
En 2023, le MESR dénombre 69 639 inscrits en doctorat, toutes disciplines confondues. Ce chiffre inférieur à celui de 2022 (70 697 inscrits) et 2021 (71 426 inscrits) confirme la tendance générale à la baisse observée ces dernière années, à l’exception d’une légère augmentation des effectifs entre 2019 et 2021, imputable très probablement au retard pris dans les soutenances du fait de la pandémie de 2020.
Les sciences humaines et sociales représentent, avec 30 281 inscrits, 44% des effectifs des doctorants en 2023, dont 26% en sciences humaines et 18% en sciences de la société (voir Fig 1.). À titre de comparaison en 2023, tous niveaux confondus, les étudiants en SHS représentent 62,5%[2] des étudiants inscrits à l’université. Le nombre d’inscrits en doctorat SHS en 2023 est en baisse de 2,2% par rapport à 2022.

Fig1. Inscrits en doctorat en 2023, répartition SIES-MESR enquête écoles doctorales
Évolution 2010-2023 : les doctorants
Les enquêtes annuelles des écoles doctorales permettent d’observer les évolutions sur de larges intervalles et d’en déduire des tendances. Ainsi entre 2010 et 2023, on constate une forte baisse du nombre de doctorants toutes disciplines confondues, puisque l’on passe de 80 360 inscrits en 2010 à 69 639 inscrits en 2023, ce qui représente une baisse de 13,34 % des effectifs de troisième cycle en 13 ans.
En sciences humaines et sociales, on observe une baisse des effectifs de doctorants plus importante encore et régulière sur l’ensemble de la période (voir Fig. 2) : les inscrits en doctorat en sciences humaines et humanités voient leur nombre baisser de 26% entre 2010 et 2023 et ceux de sciences de la société baissent de 23,6%.

Fig 2. Inscrits en doctorat, SS et SH : évolution, 2010-2023 SIES-MESR enquête écoles doctorales
Si l’on considère l’évolution des autres secteurs scientifiques (voir Fig. 3), on constate que les sciences humaines et humanités et les sciences sociales présentent la diminution d’inscrits en doctorat la plus marquée, suivies d’assez loin par les sciences et techniques de l’information et de la communication, dont les effectifs baissent de 15,5% sur treize ans.
À l’inverse, en biologie, médecine, santé (+9,4%), en sciences pour l’ingénieur (+8,9%) et de manière plus marquée en physique (+14,1%) le nombre de doctorants a augmenté depuis 2010.

Fig 3. Inscrits en doctorat par secteurs disciplinaires : évolution 2010-2023 SIES-MESR enquête écoles doctorales
Nombre de premiers inscrits en 2023
En 2023, le MESR dénombre 16 449 premiers inscrits en doctorat, toutes disciplines confondues. Ce chiffre marque une légère augmentation de +4,6% par rapport à celui de 2022 (15 719 inscrits).
Les sciences humaines et sociales représentent, avec 5 367 inscriptions, 32% des effectifs de premiers inscrits en 2023, dont 20% en sciences humaines et 12% en sciences de la société (voir Fig 1.). Le nombre de premiers inscrits en doctorat sciences humaines et sociales en 2023 est en baisse de 2,2% par rapport à 2022 (5 448).
On remarque par ailleurs que si en termes d’effectifs globaux de doctorants, les sciences humaines représentent nettement le secteur le plus important avec plus d’un quart des inscrits, suivi par les sciences de la société, puis par le secteur biologie, médecine santé (Fig. 1), en revanche, en termes de premiers inscrits (Fig. 5), ce secteur biologie, médecine, santé, se situe en deuxième place avec 19% des inscriptions, très près derrière les sciences humaines (20%) et devant les sciences de la société (13%).

Fig 5. Premiers inscrits en doctorat, SS et SH : évolution 2010-2023 SIES-MESR enquête écoles doctorales
Évolution 2010-2023 : premiers inscrits en doctorat
Si l’on prend en considération l’intervalle 2010-2013, le nombre de premiers inscrits en doctorat toutes disciplines confondues passe de 19 165 inscriptions en 2010 à 16 449 en 2023, ce qui représente une baisse de -14%.
En sciences humaines et sociales, on observe une baisse des effectifs de premiers inscrits plus importante encore que pour l’ensemble des sciences et régulière sur l’ensemble de la période (voir Fig. 5), à l’exception de brèves inflexions à la hausse en 2017 pour les sciences sociales (+0,2%) et en 2019 pour les sciences humaines (+5,1%).
Entre 2010 et 2023 les premiers inscrits en doctorat en sciences humaines et humanités voient leurs effectifs baisser de -36% entre 2010 et 2023 et ceux de sciences de la société baissent de manière encore plus importante, de -38, 7%.

Fig 5. Premiers inscrits en doctorat, SS et SH : évolution 2010-2023 SIES-MESR enquête écoles doctorales
Si l’on considère l’évolution des différents secteurs scientifiques (voir Fig. 6), on constate que les sciences sociales présentent la diminution de premiers inscrits en doctorat la plus marquée, suivie par les sciences humaines et loin derrière par les sciences et techniques de l’information et de la communication, dont les effectifs baissent de -10,5% sur treize ans, et enfin les mathématiques et leurs interactions -3%.
À l’inverse, en chimie (+0,2%), en sciences de la terre, de l’univers et de l’espace (+1%), en sciences agronomiques et écologiques (+2,4%), en sciences pour l’ingénieur (+8,9%), en biologie, médecine, santé (+9,4%), et de manière plus marquée encore en physique (+14,1%) le nombre de premiers inscrits en doctorat a augmenté depuis 2010.

Fig. 6. Premiers inscrits en doctorat par secteurs disciplinaires : évolution 2010-2023 SIES-MESR enquête écoles doctorales
La baisse à proportion de plus d’un tiers des inscriptions en troisième cycle en sciences humaines et sociales sur cet intervalle de treize ans n’est donc pas un phénomène commun à l’ensemble des grands domaines scientifiques.
Plusieurs facteurs permettent de comprendre cette baisse :
– Difficultés persistantes pour trouver des financements
– Manque d’initiatives prises pour financer de nouveaux doctorants étrangers
– Limitation effective du nombre de doctorants par directeurs de thèses
– Refus de certaines écoles doctorales d’accepter des thèses non financées
Tous ces facteurs ne doivent pas être abordés de la même façon. Certains renvoient à de réelles difficultés structurelles, d’autres à une volonté d’amélioration de la formation des étudiants. Il conviendrait d’explorer les causes d’une telle désaffection.Les mesures proposées par l’alliance Athéna en 2019 pourraient être rediscutées avec les écoles doctorales :
- Augmenter le nombre de thèses financées en SHS (sans diminuer le nombre de doctorants) et passer de 40 % de thèses financées à 80% d’ici 2025 en formation initiale.
- Poursuivre l’augmentation du nombre de contrats CIFRE en SHS.
- Mettre en place systématiquement un encadrement et un accompagnement en rupture avec des logiques de travail solitaire au bénéfice d’un travail d’équipe notamment pour les doctorants en formation initiale.
- Faire des propositions concrètes pour les disciplines rares et les doctorats en art qui sont potentiellement source d’attractivité.
- Favoriser sur les campus la vie collective dédiée aux doctorants en aménageant des tiers lieux, des espaces de co-working afin de mettre fin à l’isolement fréquent des docteurs en SHS.
- Lancer des initiatives pour attirer des étudiants étrangers et financer leur doctorat.
- Faciliter l’accès des doctorants aux instruments nationaux de recherche en SHS.
- Soutenir des dispositifs de formation doctorale adaptés à un public de doctorants actifs.
- Encourager la mise en réseau des écoles doctorales par très grands domaines disciplinaires.
[1] SIES-MESR enquête écoles doctorales.
[2] SIES MESR système d’information SISE.
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